-
La légende de la genèse gaullo-communiste
Torres remet en cause l’idée selon laquelle le modèle social français serait exclusivement issu du CNR (Conseil National de la Résistance), fruit d’un compromis entre gaullistes et communistes. Il souligne l’importance d’autres influences : partis politiques variés, contexte international de l’après-guerre, dispositifs d’assurances sociales préexistants, tradition républicaine et solidariste, sans oublier le rôle déterminant de Pierre Laroque, architecte des ordonnances de 1945.
Fait révélateur : le général de Gaulle n’a même pas signé ces textes fondateurs.
-
Un modèle né bien avant 1945
Contrairement à la croyance populaire, la protection sociale française n’est pas apparue soudainement en 1945, ni de façon isolée. Elle s’inscrit dans une histoire longue, mêlant initiatives privées, religieuses et publiques depuis le XVIe siècle. La Sécurité sociale de 1945 s’inspire largement d’expériences étrangères, notamment du système bismarckien allemand et du rapport Beveridge britannique.
Même le terme « Sécurité sociale » vient des États-Unis !
-
Un système hybride, source de complexité
Le modèle français est le résultat d’un mélange entre les logiques bismarckiennes (financement par les cotisations professionnelles) et beveridgiennes (universalité). Cette hybridité, saluée pour sa capacité à intégrer diverses revendications, a aussi généré une grande complexité et une « illisibilité » pour ses bénéficiaires.
Plutôt que l’unité prônée par Beveridge, la France a multiplié les régimes catégoriels, renforçant la stratification sociale et la défense d’intérêts particuliers.
-
Le financement : une exception française qui pèse lourd
Torres met en avant un aspect souvent négligé : le financement de la protection sociale repose principalement sur les employeurs, bien plus qu’en Allemagne ou au Royaume-Uni. Ce déséquilibre nuit à la compétitivité des entreprises françaises dans un contexte économique mondialisé.
-
Des objectifs en mutation : du risque au bien-être
L’auteur propose une lecture renouvelée des finalités de la protection sociale. Il ne s’agit selon lui plus seulement de couvrir les risques (maladie, vieillesse, chômage), mais aussi de garantir le bien-être et l’épanouissement tout au long de la vie. La retraite, par exemple, devient un temps de réalisation de soi, ce qui explique la résistance aux réformes sur l’âge de départ.
-
La « société de créance » : vers une déresponsabilisation citoyenne ?
En s’appuyant sur Laetitia Strauch-Bonart, Torres décrit la France comme une « société de créance », où les citoyens délèguent de nombreuses libertés à l’État en échange d’une protection élargie, parfois jusqu’au bien-être privé. Ce contrat implicite, souvent mal compris, contribue à une certaine déresponsabilisation individuelle.
-
Vers un « État-prévoyance » ?
Au final, Felix Torres propose une réévaluation pragmatique de l’État-providence. Il insiste sur la nécessité de repenser l’articulation entre obligation collective et liberté individuelle, pour mieux relever les défis du XXIe siècle. Il évoque la piste d’un « État-prévoyance« , plus souple et adapté aux réalités contemporaines.
Le livre sera disponible en librairie à partir du 17 juillet.
D’ici-là, vous pouvez le commander sur le site de notre éditeur.
(Et si vous êtes très pressés, contactez-nous pour recevoir votre exemplaire en avant-première : [email protected])
Commentaires