2IES s’efforce de vérifier la faisabilité des dispositifs qu’il promeut. Il veille à tester le caractère opératoire des propositions faites et à présenter des réalisations.
Dans cet esprit, 2IES a souhaité expérimenter un mode alternatif de règlement des litiges individuels du travail d’un type nouveau, avec l’appui d’entreprises volontaires.
Bien qu’autorisé par les textes en vigueur, le recours à la « médiation » pour les conflits individuels du travail peine à émerger.
Concevoir une formule et vérifier sa pertinence pendant une année, de façon qu’elle puisse se développer, sont les défis que 2IES s’est fixés.
Pourquoi faut-il persévérer dans la recherche du bon équilibre ?
Longtemps impossible en droit, compte tenu du monopole prud’homal de la conciliation, un processus de médiation est désormais envisageable pour traiter les litiges individuels du travail.
L’article R.1471-1 du Code du travail modifié par le Décret n° 2017-1008 du 10 mai 2017 dispose que « Les dispositions du livre V du code de procédure civile sont applicables aux différends qui s’élèvent à l’occasion d’un contrat de travail ».
Le contentieux prud’homal – qui est le plus souvent un contentieux du licenciement – présente essentiellement trois défauts : il est long, incertain et coûteux – et ce, pour les deux parties.
Le contentieux prud’homal est long.
En 2016 et en-dehors des référés, la durée moyenne d’une procédure aux prud’hommes est de 17 mois ; si un appel est formé, ce qui est le cas dans plus de 2/3 des affaires (67,8 % en 2016), il faut ajouter un délai moyen de 14 mois ; en pratique, spécialement devant les conseils qui œuvrent dans des bassins d’emploi particulièrement denses, on observe que ces délais moyens constituent le plus souvent un minimum ; les chiffres de la justice révèlent d’ailleurs que plus de 75 % des dossiers requièrent 20,6 mois de traitement pour aboutir à une décision devant les prud’hommes.
Les difficultés de la juridiction prud’homale font d’ailleurs l’objet d’un certain consensus, ainsi que le révèle le rapport dit Lacabarats sur « L’avenir des juridictions du travail » (juillet 2014), du nom de son auteur, ancien président de la Chambre sociale de la Cour de cassation. En outre, les réformes récentes laissent matière à plaider.
Inversement, les avantages des procédures amiables sont bien connus. Ces procédures sont rapides, leur issue est négociée, donc prévisible et acceptable, et les coûts sont maitrisés pour les deux parties.
Des modes de rupture amiable de la relation de travail existent. La rupture conventionnelle en est un. Elle ne saurait cependant être tenue pour un substitut du licenciement et n’est en tout état de cause envisageable que dans les hypothèses où la relation de travail est suffisamment apaisée. Il en va de même s’agissant de la transaction dont le principe est généralement décidé avant le prononcé du licenciement.
Lorsque le différend demeure, le conflit est porté devant le Conseil de prud’hommes. Le Bureau de conciliation et d’orientation tente alors de mettre d’accord les parties. En 2013, le taux de conciliation était de… 5,5 %.
Il est donc utile et pertinent d’instaurer un processus de médiation qui prenne place entre la rupture amiable et la saisine du conseil de prud’hommes.
Il y a médiation et médiation… Quelles sont celles qui marchent ?
La tentative de règlement amiable intervient alors que les parties ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur les conditions de la rupture. La médiation place entre l’employeur et le salarié en litige un « tiers de confiance », sans lien avec quelque juridiction que ce soit, présentant des garanties d’indépendance et d’impartialité et recueillant les explications des parties dans le respect d’une stricte confidentialité.
La médiation est un dispositif connu en droit français et disposant désormais d’une reconnaissance statutaire au livre cinquième du Code de procédure civile. Pour autant, à ce jour, les résultats de la médiation sont contrastés.
La forme de médiation la plus connue est celle qui réussit le moins bien, cependant que la forme la moins connue est celle qui réussit le mieux.
Le constat a encore été récemment fait par un rapport de l’Inspection générale des services judiciaires* (du 15 d’avril 2015 sur le développement des modes amiables de règlement des différends : les médiations comprises comme des tentatives de réconciliation obtiennent assez peu de succès.
* En-dehors du droit de la famille, le rapport évoque pour les tribunaux de grande instance et les cours d’appel un nombre d’affaires envoyées en médiation qui tourne autour de 800, pour à peu près 800.000 affaires nouvelles par an. Dans les litiges familiaux, les tribunaux qui ont expérimenté avant les autres la tentative de médiation préalable obligatoire (pour l’exercice de l’autorité parentale) n’ont pas fait de miracles. Il est rapporté que seuls 10 % des dossiers ont fait l’objet de ce dispositif, lequel a débouché sur un taux d’aboutissement partiel ou total de l’ordre de 15 %.
En revanche, les médiations institutionnelles, ainsi dénommées parce qu’issues des institutions publiques ou mises en place par des entreprises privées regroupées par secteurs professionnels, prospèrent de longue date. Si elles sont aujourd’hui encadrées, du fait de l’ordonnance du 20 août 2015, lorsqu’elles concernent des consommateurs, elles n’ont pas eu besoin d’un cadre légal pour se développer. Elles portent sur des dossiers qui se comptent par milliers et pour lesquels le taux de réussite dépasse souvent les 90 % (y compris pour les dossiers tranchés en défaveur de la partie forte). Elles se déroulent en marge des canons que véhicule le discours habituellement tenu sur les processus conciliatoires. On pense volontiers que la médiation suppose l’oralité, c’est-à-dire la rencontre et le dialogue. Or, ces médiations institutionnelles sont le plus souvent des médiations écrites au cours desquelles le médiateur ne rencontre pas les parties. Le développement du numérique accentue d’ailleurs le phénomène. C’est en quelque sorte une médiation anonyme, une conciliation sans réconciliation.
Le succès de ces médiations institutionnelles tient au fait qu’elles s’appuient, non pas sur un idéal conciliatoire, mais tout simplement sur l’expertise reconnue du tiers appelé à se prononcer.
Ces médiations-expertises se développent, constat fait que les parties en litige n’ont pas le souhait de se réconcilier. Elles s’opposent sur l’application de règles protectrices de l’une des deux et la partie protégée, en s’adressant au médiateur, formule en réalité une « demande de justice ». Son souhait est que vérification soit faite de ce que ses droits n’ont pas été méconnus. Si le médiateur dispose d’une légitimité telle que sa réponse sera jugée crédible, les parties conviennent de s’entendre sur la base des conclusions du médiateur.
Le choix de la médiation-expertise
La médiation-expertise nous semble être le dispositif qui a le plus de chance de fonctionner en matière de litiges du travail. L’ordre public de protection y est prégnant, il est rare que les parties souhaitent poursuivre une relation marquée par l’échec et le salarié veut essentiellement savoir si les offres de son employeur n’ont pas pour effet de le « flouer ».
Il paraît donc opportun d’expérimenter cette forme de médiation permettant au salarié et à son employeur de s’entendre en considération d’une anticipation raisonnable et à brève échéance de ce que serait probablement l’issue juridictionnelle de leur différend.
Cette expérimentation fait l’hypothèse que l’échec de la conciliation prud’homale tient principalement au fait qu’en début de procédure, les parties et leurs conseils pensent toujours pouvoir obtenir plus en plaidant, et qu’à ce moment, le bureau de conciliation et d’orientation n’est pas en situation de leur dire, en quelque sorte, ce que vaut leur cause.
L’élaboration de l’avis par le Médiateur suppose deux types d’appréciation :
- Des appréciations d’ordre juridique sur la régularité, la légitimité ou la validité du licenciement ; si les conclusions sont trop incertaines, le médiateur peut prendre en considération des données d’équité.
- Des appréciations de fait, spécialement sur le quantum des indemnités qui peuvent être dues le cas échéant ; pour conduire cette seconde série d’appréciations, nous proposons que le médiateur utilise les techniques dites d’Intelligence Artificielle qui, grâce aux algorithmes d’ores et déjà existants, permettent, en considération d’une base de données rassemblant des milliers d’arrêts d’appel et constamment réactualisée, et une fois recensées les qualifications juridiques nécessaires à l’appréciation de la demande indemnitaire (ancienneté, motif du licenciement…), de donner une fourchette d’indemnisation et un pourcentage (très élevé) d’être à l’intérieur de cette fourchette.
La médiation-expertise sera conduite sous la forme d’une expertise de la solution probable avec l’appui d’un outil d’intelligence artificielle, ceci pour faire revenir les parties au principe de réalité, condition première d’un règlement amiable.
L’utilisation de l’IA est une composante incontournable. Tout d’abord, elle est aujourd’hui opératoire et les résultats qu’elle donne, limités aux appréciations quantitatives, sont peut-être désincarnées, mais évitent l’arbitraire. Ensuite, elle offre une appréciation sérieuse de la probabilité du résultat juridictionnel et elle constitue l’outil le plus adapté au fonctionnement d’une médiation expertise.
Enfin et ce point est peut-être encore plus décisif. Il est certain que les dispositifs d’IA appliqués au droit seront de plus en plus accessibles et qu’ils seront exploités par les justiciables dont le souci de l’égalité de traitement est souvent exacerbé. Un salarié licencié veut être sûr d’avoir la même chose que les autres (dans la même situation). Dès lors qu’il existe un instrument de mesure de cette égalité, il paraît impossible de l’en priver et, surtout de le convaincre d’accepter moins que ce à quoi il aurait probablement droit.
Toutefois, le recours à l’IA doit rester limité à la seule quantification du montant de l’indemnité. L’étape de la qualification des faits reste l’apanage du médiateur.
L’expérimentation, concrètement
2IES propose aux entreprises et salariés volontaires d’expérimenter cette forme de médiation-expertise pendant une durée d’un an (jusqu’au 31 décembre 2019). A l’issue de cette phase expérimentale, 2IES dressera un bilan dont les conclusions permettront de fonder son déploiement.
2IES a conçu le Centre d’expertise et de médiation des litiges individuels du travail dont l’expérimentation est proposée, avec le concours d’entreprises pilotes et l’appui scientifique de Xavier Lagarde, Professeur de droit privé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, également Médiateur de la Protection sociale (CTIP), agréé par La Commission d’Evaluation et de Contrôle de la Médiation de la consommation (CECMC).
Christophe Radé, Professeur de droit à l’Université de Bordeaux, est médiateur pendant la phase expérimentale. Il exerce cette mission à titre gracieux, en toute indépendance et impartialité.
L’outil d’intelligence artificielle retenu par 2IES est celui qui a été développé par la société Case Law Analytics.
La présentation de la procédure et la saisine du médiateur s’opèrent via un site internet dédié : https://mediateur.2ies.fr
L’accès au Centre d’expertise et de médiation des litiges individuels du travail proposé par 2IES est simple, rapide, confidentiel et gratuit pour le salarié, ainsi que pour l’entreprise en phase expérimentale. La saisine du médiateur suspend les délais de recours au juge. Les parties sont libres d’accepter, ou non, l’avis du médiateur. Si elles l’acceptent, elles signent un accord qui met un terme à leur différend.
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