Sorti fin 2020, notre ouvrage « Autonomie, responsabilité, solidarité. Comment moderniser les relations professionnelles ? » a suscité de nombreux commentaires, notamment en ligne et dans les médias. Certains lecteurs nous ont également fait le plaisir de nous faire part de leur avis directement.
Nous publions ci-après leurs commentaires et les réponses qu’ils nous inspirent.
Vous avez également lu une de nos notes et souhaitez nous en parler ? N’hésitez pas à nous contacter.
Benjamin, risk manager, Ile-de-France.
« J’ai beaucoup aimé le chapitre sur l’histoire des relations sociales. J’ai notamment apprécié les développements relatifs au rôle de la branche : pourquoi la branche, pertinente dans l’équilibre du 20ème siècle, est aujourd’hui disqualifiée du fait de l’ouverture à la concurrence internationale, et singulièrement au sein de l’UE. Cet aspect de la négociation collective professionnelle ne m’était jamais apparu aussi clairement. On comprend mieux dès lors pourquoi l’autonomie de l’accord d’entreprise s’impose.
Cela étant, si ce principe de l’autonomie de l’accord collectif paraît évident, je m’interroge sur son acceptabilité par les dirigeants d’entreprise. J’ai le sentiment que le système consistant à laisser l’Etat agir et réglementer dans le détail le comportement des acteurs arrange tout le monde, notamment les dirigeants d’entreprise. Dans le schéma que vous proposez, la négociation prendrait beaucoup de place et beaucoup de temps. Les dirigeants d’entreprise ont-ils cette appétence ? Ne préférèrent-ils pas que les collaborateurs se concentrent sur le business dans un cadre, certes très compliqué, mais dont on ne discute pas ?
Sur la forme, la lecture est fluide. J’ai un regret toutefois : de mon point de vue, la réflexion aurait gagné à s’appuyer sur davantage d’éléments chiffrés. »
Notre réponse
Merci Benjamin pour votre message !
La critique sur le manque de données chiffrées est entendue. Nous publierons sur le site des repères économiques.
Ce que vous dites sur la négociation et sur la posture du dirigeant est intéressant. Peut-on lui rajouter encore une chose à laquelle penser, alors que, comme vous le dites, l’Etat aujourd’hui s’en occupe ?
Pour vous répondre : notre proposition vient des dirigeants eux-mêmes, et de notre enquête de terrain. Ils réclament plus d’autonomie, et qu’on leur fasse confiance.
C’est justement cette maturité des acteurs que nous avons cherché à mesurer dans les interviews et ateliers organisés en amont puis tout au long de la rédaction du livre.
Et c’est cette envie d’essayer une nouvelle voie que nous allons tenter de faire émerger en invitant des entreprises volontaires à expérimenter nos propositions. C’est en testant grandeur nature que l’on pourra en éprouver la pertinence et le potentiel.
Nous vous en reparlerons très vite !
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Myriam, DRH, Ile-de-France.
« Je viens de lire le livre… que je trouve très intéressant, tant dans son développement et dans l’effort de pédagogie des évolutions que dans ses démonstrations et propositions.
Les témoignages donnent aussi un bon rythme. Le parallèle fait avec l’accélération, depuis le début de la pandémie, du phénomène d’individualisation du travail dans un projet collectif est très bien mis en exergue.
Concernant la prépondérance de l’accord collectif, je partage évidemment cette position (qui me renvoie à mon expérience de la négociation dans des grandes entreprises), mais je m’interroge sur la capacité de certains dirigeants et partenaires sociaux à négocier vraiment pour forger de vrais compromis.
Mais si on décide de le prendre sous un angle positif, c’est un énorme chantier d’accompagnement des entreprises qui s’ouvre. »
Notre réponse
Exactement. Vous mettez le doigt sur l’une pierres angulaires de l’étude : la capacité des acteurs à agir, à s’organiser par eux-mêmes, à être dans la création plutôt que dans l’application de textes.
Oui, notre proposition est porteuse d’une petite révolution des esprits comme des pratiques et constitue un pari osé.
C’est bien parce que nous sommes conscients de la hauteur de la marche que notre proposition est formulée comme une option. Nous ne touchons pas au droit existant – le code du travail subsiste et continuera à évoluer –, nous ouvrons une voie nouvelle. Seules les entreprises qui le veulent et le peuvent pourront s’engager dans cette démarche d’autorégulation.
Plus fondamentalement, l’exercice des libertés est exigeant et ne va pas sans responsabilités.
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Gabrielle, secrétaire générale d’une ETI, Normandie.
« Il y a un point cité dans le livre que je partage : sur le terrain, quand on parle de ce qui fait le quotidien des gens, la négociation d’entreprise se déroule très sereinement. Dans mon entreprise, nous avons des partenaires sociaux très constructifs et qui se soucient peu des postures que peuvent adopter leurs organisations syndicales par ailleurs. La personnalité compte bien plus que l’étiquette et notre meilleur partenaire est… la CGT.
Je comprends bien l’idée [de l’autonomie de l’accord collectif] et j’y adhère. Je m’interroge toutefois sur l’équilibre de la relation et du contexte de négociation. Dans les petites entreprises – et peut-être encore plus en région qu’à Paris – la relation salarié-employeur est déséquilibrée. Il y a plein d’entreprises dans lesquelles personne ne négocie quoique ce soit ; les gens ont besoin d’un travail et ils nous font confiance. Le code du travail, même mal fichu, même excessivement compliqué, ça protège la partie faible. Ce n’est pas que les employeurs soient malhonnêtes ou cherchent à profiter de la situation. C’est plus simplement qu’ils obéissent davantage à leur intuition ou à des habitudes qui ne sont pas toujours conformes au droit.
Cette réflexion est indissociable d’une autre sur la représentativité des représentants du personnel. Cette proposition suppose pour fonctionner un relatif équilibre entre les parties ou une entreprise avec un projet dans lequel employeur et collaborateurs sont étroitement associés. Bref, ce n’est pas pour tout le monde… »
Notre réponse
Merci ! Vos doutes sont en effet légitimes. Notre enquête de terrain a néanmoins révélé que les salariés eux-aussi (quelle que soit la taille de l’entreprise) sont demandeurs de davantage de négociation, veulent s’impliquer, ont des envies, et sont prêts à chercher des compromis.
Comme évoqué plus haut, il nous reste maintenant à valider, dans la pratique, ces déclarations. Nous lancerons bientôt une phase d’expérimentation de nos propositions, dans les entreprises qui le souhaitent, ainsi qu’auprès des plateformes et entrepreneurs candidats.
A suivre… !
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